• L'apéro des pauv'cons

    theatre opCe matin-là, j'étais parti tôt avec ma banderole bien pliée dans ma poche. Une bonne demi-heure de tram avec changement, un café-croissant, deux heures de train bien tassées, vers dix heures du matin j'arrivais en gare à Paris. Trois quarts d'heure de métro plus tard, j'étais à pied d'œuvre, bien en avance comme il se doit quand on arrive de loin. Il faisait froid ! Encore un café dans un bar, faisant face à un immeuble magnifique rappelant les constructions Todt du Mur de l'Atlantique, immeuble barré d'une immense pancarte "Mouvement Populaire". Je ne sais pas s'il était populaire, puisqu'on aurait dit qu'il n'y avait personne derrière les entrées sécurisées.

    Ragaillardi par le café, je suis allé attendre les autres éventuels participants à un apéro que je pressentais bien frappé, même sans glaçons, vu que les mains et les pieds commençaient à crier grâce. On voyait bien des gens qui étaient là, mais ils attendaient, puis partaient. Un ou deux semblaient pourtant s'incruster. Des clodos peut-être ? Les dizaines de minutes passaient, en battant le pavé pour se réchauffer.

    Le rendez-vous était pour midi moins le quart. Vers onze heures et demi, d'autres quidams s'approchent, plus jeunes. On se hume, on se flaire : " Êtes-vous les Pôv'cons ?" , oui, ils en sont, nous en sommes. Deux ou trois hommes, dans un coin de la petite place, jouent avec finesse leur rôle des RG. Ils ont l'air vraiment sympathique, comme souvent.

    jean jac herveOn attend toujours. Midi moins le quart. D'autres arrivent. J'apprends que je discute avec Hervé Éon, celui qui avait malencontreusement sorti une pancarte "Casse-toi pôv'con" sur le passage du cortège présidentiel à Laval, en omettant de mettre les guillemets indiquant qu'il s'agissait d'une citation. Des nouvelles de son procès ? Oui, la condamnation de 30 euros avec sursis en est à la Cassation, et ira jusqu'à la Cour Européenne des Droits de l'Homme.

    Des journalistes sont là, ils prennent quelques notes. On photographie, on filme. Je reste en retrait, simple invité d'une fête parisienne. J'ai surtout froid, ce qui ne m'incite pas à l'éloquence. L'organisateur est en retard.

    Enfin le voilà. Les choses s'accélèrent. Des timbales de plastique, quelques bouteilles de vin, on entend des débouchages pendant qu'il est agrippé par les médias, qu'il doit aller se concerter avec les RG. ON distribue des tracts. La pancarte "Sarkozy dégage" est attachée à un poteau tant bien que mal. Les participants lèvent leur verre. Ils sont bien une cinquantaine maintenant ! L'ambiance est très décontractée. D'autres que moi viennent de plus loin encore : Gap. Jean-Jacques prononce un discours improvisé, suivi de Hervé Éon qui rappelle ce qui lui a été reproché. En bon paysan normand, Fernand Buron (si, je vous assure, c'est lui), qui est arrivé avec Jean-Jacques, ne prononce que quelques mots. Nous sommes tous des pauv'cons, mais lui, là-bas, "Dégage !"

    Les prises de parole se succèdent. Sur l'insistance de Jean-Jacques, Hervé Éon consent même à parler de son engagement au Parti de Gauche. Un militant à SUD PTT également, et d'autres, simples citoyens. Les journalistes interviewent, photographient, filment. Les bouteilles sont finies. Chacun échange ses impressions. L'Élysée est là, tout près, mais bien entendu inaccessible. Il y a la France, et puis il y a lui. Des échanges métaphysiques, psychologiques, tentent de cerner cet homme qui a si peur des gens, dont ceux qui se sont déplacés aux urnes l'ont tout de même élu à la majorité.fernand buron

    Comme c'était annoncé, le petit livre de l'entrevue de Fernand Buron se vend bien, merci. Il est désormais dans les librairies. Je l'ai déjà depuis la semaine précédente. Et puis on commence à ramasser les quelques accessoires apportés, les bouteilles... Des agents de la police en uniforme sont là, aussi, pour éviter des débordements qui n'ont bien entendu pas eu lieu.

    Jean-Jacques retourne remercier les RG pour leur coopération amicale. Nous commençons à nous disperser. Je remercie moi aussi le premier RG qui est là, pour nous avoir supportés pendant plus de deux heures.

    Je suis le dernier carré des résistants. Hervé Éon est parti, il doit retourner à Laval. Nous allons dans un petit restau italien un peu plus loin, nous sommes encore une dizaine, mais malgré l'exiguïté des lieux nous réussissons à nous caser tous. Je suis côte à côte avec Fernand Buron, et en face de Jean-Jacques. Quelques pastas plus loin, quelques échanges de souvenirs et de confidences aussi, on se sépare. Il fait un tout petit peu moins froid. Je rentre. La fatigue est lourde. Je n'ai pas dormi la nuit précédente, l'excitation sans doute.

    P.S. j'ai légèrement modifié le texte, pour préciser en particulier les interventions. Merci.
    BO
    sabre au clair

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