• Craig MURRAY
     
    photo : illustration par la rédaction du Grand Soir (source indéterminée)
     
    S’il vous plaît, tentez cette expérience pour moi.

    Posez cette question à haute voix, sur un ton d’encouragement et de curiosité intellectuelle : "Suggérez-vous que les deux ont le même effet ?".
     
    Posez maintenant cette question à voix haute, sur un ton d’hostilité et d’incrédulité frisant le sarcasme : "Suggérez-vous que les deux ont le même effet ?".
     
    Tout d’abord, félicitations pour vos talents d’acteur ; vous prenez très bien la direction des opérations. Deuxièmement, n’est-il pas fascinant de voir comment les mêmes mots peuvent précisément transmettre le sens opposé en fonction de la modulation du stress, de la hauteur et du volume ?
     
    Hier, l’accusation a poursuivi son argument selon lequel la disposition du traité d’extradition entre le Royaume-Uni et les États-Unis de 2007 qui interdit l’extradition pour des délits politiques est lettre morte, et que les objectifs de Julian Assange ne sont de toute façon pas politiques. James Lewis avocat pour l’accusation a parlé pendant environ une heure, et Edward Fitzgerald a répondu pour la défense pendant environ le même temps. Au cours de la présentation de Lewis, il a été interrompu par le juge Baraitser, précisément une fois. Pendant la réponse de Fitzgerald, Baraitser l’a interrompu dix-sept fois.
     
    Dans la transcription, ces interruptions n’auront pas l’air déraisonnables :
    "Pourriez-vous préciser le pour moi, M. Fitzgerald..."
    "Alors, comment faites-vous face au point de vue de M. Lewis selon lequel..."
    "Mais c’est sûrement un argument circulaire..."
    "Mais il n’est pas incorporé, n’est-ce pas ?..."
     
    Toutes ces interruptions et les douze autres ont été conçues pour montrer que le juge tente de clarifier l’argument de la défense dans un esprit de test intellectuel. Mais si vous avez entendu le ton de la voix de Baraitser, vu son langage corporel et ses expressions faciales, c’était tout sauf cela.
     
    L’image fausse qu’une transcription pourrait donner est exacerbée par le fait que la cour Fitzgerald répond continuellement à chaque harcèlement évident par "Merci Madame, c’est très utile", ce qui, encore une fois, si vous étiez là, signifiait clairement le contraire. Mais ce que la transcription montrera utilement, c’est la tactique de Baraitser qui consiste à interrompre Fitzgerald encore et encore, à minimiser ses arguments et à l’empêcher délibérément d’entrer dans le vif du sujet. Le contraste avec son traitement de Lewis ne pourrait être plus prononcé.
     
    Nous allons donc maintenant présenter les arguments juridiques eux-mêmes.
     
    James Lewis pour l’accusation, poursuivant ses arguments de la veille, a déclaré que le Parlement n’avait pas inclus dans la loi de 2003 une interdiction d’extradition pour des infractions politiques. Elle ne peut donc pas être réintroduite dans la loi par un traité. "Introduire une interdiction des infractions politiques par une voie détournée serait subvertir l’intention du Parlement".
     
    Lewis a également fait valoir qu’il ne s’agissait pas de délits politiques. Au Royaume-Uni, la définition d’un délit politique se limitait à un comportement visant à "renverser ou changer un gouvernement ou à l’inciter à modifier sa politique". En outre, l’objectif doit être de changer de gouvernement ou de politique à court terme, et non pas dans un avenir indéterminé.
     
    Lewis a déclaré qu’en outre, le terme "infraction politique" ne pouvait être appliqué qu’aux infractions commises sur le territoire où l’on tentait d’opérer le changement. Ainsi, pour être qualifié de délit politique, Assange aurait dû les commettre sur le territoire des États-Unis, mais il ne l’a pas fait.
     
    Si Baraitser décidait que l’interdiction des infractions politiques s’appliquait, le tribunal devrait déterminer la signification de l’expression "infraction politique" dans le traité d’extradition entre le Royaume-Uni et les États-Unis et interpréter le sens des paragraphes 4.1 et 4.2 du traité. L’interprétation des termes d’un traité international dépassait les pouvoirs de la cour.
     
    Lewis a déclaré que la conduite de Julian Assange ne pouvait pas être qualifiée de délit politique. "Il est impossible de placer Julian Assange dans la position d’un réfugié politique". L’activité dans laquelle Wikileaks était engagé n’était pas dans son sens propre une opposition politique à l’administration américaine ou une tentative de renverser cette administration. Par conséquent, l’infraction n’était pas politique.
     
    Pour la défense, Edward Fitzgerald a répondu que la loi sur l’extradition de 2003 était une loi d’habilitation en vertu de laquelle les traités pouvaient s’appliquer. Le Parlement s’est soucié de supprimer toute menace d’abus de l’interdiction des infractions politiques pour couvrir les actes terroristes de violence contre des civils innocents. Mais il reste une protection claire, acceptée dans le monde entier, pour la dissidence politique pacifique. Le traité d’extradition sur la base duquel la cour agissait en tient compte.
     
    M. Baraitser interrompt la séance en indiquant que le traité d’extradition entre le Royaume-Uni et les États-Unis n’a pas été intégré au droit anglais.
     
    Fitzgerald répond que l’ensemble de la demande d’extradition est basée sur le traité. C’est un abus de procédure pour les autorités de s’appuyer sur le traité pour la demande mais de prétendre ensuite que ses dispositions ne s’appliquent pas.
     
    "À première vue, c’est un argument très bizarre qu’un traité qui donne lieu à l’extradition, sur lequel l’extradition est fondée, puisse être ignoré dans ses dispositions. À première vue, c’est absurde" a dit Edward Fitzgerald pour la défense.
     
    Fitzgerald a ajouté que les tribunaux anglais interprètent les traités tout le temps. Il a donné des exemples.
     
    Fitzgerald a poursuivi en disant que la défense n’acceptait pas que la trahison, l’espionnage et la sédition ne soient pas considérés comme des délits politiques en Angleterre. Mais même si l’on acceptait la définition trop étroite de Lewis de l’infraction politique, le comportement d’Assange répondait quand même au critère. Quel pourrait être le motif de la publication des preuves des crimes de guerre et de la corruption du gouvernement, si ce n’est de changer la politique du gouvernement ? En effet, les preuves prouveraient que Wikileaks a effectivement changé la politique du gouvernement américain, en particulier sur l’Irak.
     
    Baraitser a interféré en disant que dénoncer les méfaits du gouvernement n’était pas la même chose que d’essayer de changer la politique du gouvernement. Fitzgerald lui a demandé, finalement exaspéré après d’innombrables interruptions, quel autre intérêt il y aurait à exposer les méfaits du gouvernement que d’induire un changement de politique gouvernementale.
     
    C’est ainsi que se terminent les plaidoiries d’ouverture de l’accusation et de la défense.
     
    MON COMMENTAIRE PERSONNEL
     
    Permettez-moi d’être aussi neutre que possible. Si vous pouviez affirmer avec justesse que l’argument de Lewis était beaucoup plus logique, rationnel et intuitif que celui de Fitzgerald, vous pourriez comprendre pourquoi Lewis n’avait pas besoin d’être interrompu alors que Fitzgerald devait être continuellement interrompu pour "clarification". Mais en fait, c’est Lewis qui a fait valoir que les dispositions du traité même en vertu duquel l’extradition est effectuée ne s’appliquent pas, une étape logique qui, à mon avis, demanderait un peu plus d’explications que l’argumentaire contraire de Fitzgerald. Le harcèlement que Baraitser a fait subir à Fitzgerald lorsqu’il a mis l’accusation dans les cordes est tout droit sorti du livre de recettes des procès staliniens.
     
    La défense ne l’a pas mentionné, et je ne sais pas si cela figure dans leurs arguments écrits, mais j’ai trouvé que l’argument de Lewis selon lequel il ne pouvait s’agir de délits politiques, parce que Julian Assange n’était pas aux États-Unis lorsqu’il les a commis, était d’une malhonnêteté à couper le souffle. Les États-Unis revendiquent une compétence universelle. Assange est accusé de crimes de publication commis alors qu’il se trouvait en dehors des États-Unis. Les États-Unis revendiquent le droit d’inculper toute personne de toute nationalité, partout dans le monde, qui nuit aux intérêts américains. En outre, ils affirment ici que, comme les documents pouvaient être vus sur Internet aux États-Unis, il y a eu infraction aux États-Unis. En même temps, prétendre que cela ne pourrait pas être un délit politique puisque le crime a été commis en dehors des États-Unis est, comme Edward Fitzgerald pourrait le dire, à première vue absurde. Ce que, curieusement, Baraitser n’a pas relevé.
     
    L’argument de Lewis selon lequel le traité n’a aucune valeur en droit anglais n’est pas une invention de sa part. Nigel Farage ne s’est pas matérialisé de nulle part. Il existe en vérité une longue tradition dans le droit anglais selon laquelle même un traité signé et ratifié avec un pays étranger quelconque, ne peut en aucun cas lier un tribunal anglais. Lewis pouvait, et il l’a fait, faire jaillir des pages et des pages de jugements de juges à la face de betterave qui s’efforcent de dire exactement cela à la Chambre des Lords, avant d’aller tirer sur du gibier et donner la fessée au fils du valet. Lewis était particulièrement attaché à l’affaire du Tin Councel [Ndt : Maclaine Watson and Co Ltd contre International Tin Council : HL 2 janv. 1989. Le Tin Council était un organe constitué par un traité international non incorporé dans la législation du Royaume-Uni. ... Un traité non incorporé ne peut créer aucun droit ou obligation dans le droit national. (Wikipedia)]
     
    Il existe bien sûr une tradition contraire et plus éclairée, et un certain nombre de jugements qui disent exactement le contraire, pour la plupart plus récents. C’est la raison pour laquelle les arguments étaient si répétitifs, chaque partie ayant accumulé de plus en plus de volumes d’"autorités" pour défendre son point de vue.
     
    La difficulté pour Lewis - et pour Baraitser - est que cette affaire n’est pas comparable au fait que j’achète une barre de chocolat et que je me rende ensuite au tribunal parce qu’un traité international sur les barres de chocolat dit que la mienne est trop petite.
     
    La loi sur l’extradition de 2003 est plutôt une loi d’habilitation dont dépendent ensuite les traités d’extradition. Vous ne pouvez donc pas extrader en vertu de la loi de 2003 sans le traité. Le traité d’extradition de 2007 devient donc, dans un sens très réel, un instrument exécutif légalement nécessaire pour autoriser l’extradition. Pour que les autorités d’exécution enfreignent les termes de l’instrument exécutif nécessaire en vertu duquel elles agissent, il faut simplement qu’il y ait un abus de procédure. Ainsi, le traité d’extradition, en raison de sa nature et de la nécessité d’une action en justice, est en fait intégré au droit anglais par la loi sur l’extradition de 2003 dont il dépend.
     
    Le traité d’extradition est une condition préalable nécessaire à l’extradition, alors qu’un traité sur les barres de chocolat n’est pas une condition préalable nécessaire à l’achat d’une barre de chocolat.
     
    Je ne peux pas être plus clair. J’espère que c’est compréhensible.
     
    Il est bien sûr difficile pour Lewis que le même jour, la Cour d’appel se soit prononcée contre la construction de la troisième piste d’Heathrow, en partie à cause de son incompatibilité avec l’Accord de Paris de 2016, bien que ce dernier ne soit pas entièrement intégré au droit anglais par la loi sur le changement climatique de 2008.
     
    UNE EXPÉRIENCE PERSONNELLE ESSENTIELLE
     
    Il est extrêmement embarrassant pour le Foreign and Commonwealth Office (FCO) qu’un tribunal anglais répudie l’application d’un traité que le Royaume-Uni a ratifié avec un ou plusieurs États étrangers. C’est pourquoi, dans le monde moderne, des procédures et des précautions très sérieuses ont été mises en place pour s’assurer que cela ne puisse pas se produire. Par conséquent, l’argument de l’accusation selon lequel toutes les dispositions du traité d’extradition entre le Royaume-Uni et les États-Unis de 2007 ne peuvent pas être mises en œuvre en vertu de la loi sur l’extradition de 2003, devrait être impossible.
     
    Je dois expliquer que j’ai moi-même négocié et supervisé l’entrée en vigueur des traités au sein du FCO. Le dernier pour lequel j’ai personnellement noué le ruban et opposé le sceau de cire (littéralement) était le traité anglo-belge sur le plateau continental de 1991, mais j’ai participé à la négociation d’autres traités et le système que je vais décrire était toujours en place lorsque j’ai quitté le FCO en tant qu’ambassadeur en 2005, et je crois qu’il n’a pas changé aujourd’hui (et souvenez-vous que la loi sur l’extradition date de 2003 et que le traité d’extradition américano-britannique a été ratifié en 2007, donc mes connaissances ne sont pas dépassées). Les nomenclatures ministérielles changent de temps en temps, de même que l’organisation structurelle. Mais les bureaux et les fonctions que je vais décrire restent les mêmes, même si les noms peuvent être différents.
     
    Tous les traités internationaux comportent un processus en deux étapes. Tout d’abord, ils sont signés pour montrer que le gouvernement est d’accord avec le traité. Puis, après un certain délai, ils sont ratifiés. Cette deuxième étape a lieu lorsque le gouvernement a autorisé la législation et les autres organismes requis à appliquer le traité. C’est la réponse à l’observation de Lewis sur les rôles de l’exécutif et du législatif. La phase de ratification n’a lieu qu’après toute action législative requise. C’est là toute la question.
     
    C’est ainsi que cela se passe au FCO. Les fonctionnaires négocient le traité d’extradition. Il est signé pour le Royaume-Uni. Le traité signé est ensuite renvoyé aux conseillers juridiques du FCO, au département de la nationalité et des traités, au département consulaire, au département nord-américain et à d’autres, puis il est envoyé aux avocats du Trésor et du Cabinet, au ministère de l’Intérieur, au Parlement et à tout autre département gouvernemental dont le domaine est concerné par le traité en question.
     
    Le traité fait l’objet d’un examen approfondi afin de vérifier qu’il peut être pleinement appliqué dans toutes les juridictions du Royaume-Uni. Si ce n’est pas le cas, des modifications doivent être apportées à la loi pour qu’elle puisse être appliquée. Ces modifications peuvent être apportées par une loi du Parlement ou, plus généralement, par une législation secondaire en utilisant les pouvoirs conférés au secrétaire d’État par une loi. S’il existe déjà une loi du Parlement en vertu de laquelle le traité peut être mis en œuvre, aucune loi d’habilitation ne doit être adoptée. Les accords internationaux ne sont pas tous incorporés individuellement dans les lois anglaises ou écossaises par une nouvelle législation spécifique.
     
    Il s’agit d’un processus très minutieux, mené étape par étape par des juristes et des fonctionnaires du FCO, du Trésor, du Cabinet Office [département exécutif du ... Gouvernement britannique - NdT], du Ministère de l’Intérieur, du Parlement et d’autres instances. Chacun examinera en parallèle chaque clause du traité et vérifiera qu’elle peut être appliquée. Toutes les modifications nécessaires pour donner effet au traité doivent ensuite être apportées - modification de la législation et démarches administratives nécessaires. Les conseillers juridiques du FCO ne donneront le feu vert à la ratification du traité que lorsque tous les obstacles auront été levés, y compris la législation, et que les fonctionnaires du Parlement, du Trésor, du Cabinet Office, du Ministère de l’Intérieur et du FCO auront tous certifié que le traité est applicable au Royaume-Uni. Vous ne pouvez absolument pas ratifier le traité avant que les conseillers juridiques du FCO n’aient donné cette autorisation.
     
    Il s’agit d’un processus sérieux. C’est pourquoi le traité d’extradition entre les États-Unis et le Royaume-Uni a été signé en 2003 et ratifié en 2007. Il ne s’agit pas d’un retard anormal.
     
    Je sais donc avec certitude que TOUS les services juridiques compétents du gouvernement britannique DOIVENT avoir convenu que l’article 4.1 du traité d’extradition entre le Royaume-Uni et les États-Unis pouvait être mis en œuvre en vertu de la loi sur l’extradition de 2003. Cette certification doit avoir eu lieu, sinon le traité n’aurait jamais pu être ratifié.
     
    Il s’ensuit nécessairement que le gouvernement britannique, en cherchant à faire valoir maintenant que l’article 4.1 est incompatible avec la loi de 2003, ment sciemment. [gras ajouté par le traducteur] Il ne pourrait y avoir d’abus de procédure plus flagrant.
     
    J’ai tenu à ce que l’audition sur ce point particulier se termine afin de pouvoir vous faire bénéficier de mon expérience. Je vais me reposer pour l’instant, mais plus tard dans la journée, j’espère pouvoir continuer à m’exprimer sur l’échange d’hier au tribunal concernant la libération de Julian du sa cage blindée antiterroriste.
     
    Avec mes remerciements à ceux qui ont fait des dons ou qui se sont inscrits pour rendre ce reportage possible. Je tiens à souligner une fois de plus que je ne veux absolument pas que quiconque donne quoi que ce soit si cela lui cause le moindre problème financier.
     
    Cet article est entièrement libre de reproduction et de publication, y compris en traduction, et j’espère vivement que les gens le feront activement. La vérité nous rendra libres.
     
    Craig MURRAY
     
    Traduction "Ils jouent à la justice comme on joue à la dinette : en faisant semblant" par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles
    »» https://www.craigmurray.org.uk/archives/2020/02/your-man-in-the-public...
    URL de cet article 35733
    https://www.legrandsoir.info/compte-rendu-du-proces-assange-4eme-jour.html

    votre commentaire
  • Compte-rendu du Procès Assange, 3eme jour

    Craig MURRAY

    photo : illustration par la rédaction du Grand Soir (source indéterminée)

    Lors de la procédure d’hier au tribunal, l’accusation a adopté des arguments si catégoriques et apparemment déraisonnables que je me suis demandé comment les rédiger d’une manière qui ne semble pas être une caricature ou une exagération injuste de ma part. Ce à quoi on assiste dans ce tribunal a depuis longtemps dépassé le stade de la caricature. Tout ce que je peux faire, c’est vous donner l’assurance personnelle que ce que je raconte est conforme à la réalité.

    Comme d’habitude, je traiterai d’abord des questions de procédure et du traitement réservé à Julian, avant d’exposer clairement les arguments juridiques avancés.

    Vanessa Baraitser a pour instruction claire de faire semblant d’être inquiète en demandant, vers la fin de chaque séance, juste avant la pause de toute façon, si Julian se sent bien et s’il souhaite une pause. Elle ignore alors systématiquement sa réponse. Hier, il a répondu assez longuement qu’il n’entendait pas bien dans sa boîte de verre et qu’il ne pouvait pas communiquer avec ses avocats (à un certain moment hier, ils avaient commencé à l’empêcher de passer des notes à son avocat, ce qui, j’apprends, a été le contexte de la prévention agressive de sa poignée de main d’adieu à Garzon).

    Baraitser a insisté sur le fait qu’il ne pouvait être entendu que par ses avocats, ce qui, étant donné qu’on l’avait empêché de leur donner des instructions, était plutôt osé de sa part. Ceci
    dit, nous avons eu un ajournement de dix minutes pendant que Julian et son avocat étaient autorisés à parler dans les cellules - probablement là où ils pourraient être à nouveau mis sur écoute de façon plus pratique.

    Au retour, Edward Fitzgerald a fait une demande formelle pour que Julian soit autorisé à s’asseoir à côté de ses avocats dans la cour. Julian était "un homme doux et intellectuel" et non un terroriste. Baraitser répondit que la libération d’Assange du banc des accusés dans le corps du tribunal signifierait qu’il était libre. Pour y parvenir, il faudrait demander une mise en liberté sous caution.

    Une fois de plus, l’avocat de l’accusation James Lewis est intervenu du côté de la défense pour tenter de rendre le traitement de Julian moins extrême. Il n’était pas, a-t-il suggéré avec réticence, tout à fait certain qu’il était exact de devoir demander une libération sous caution pour que Julian puisse s’asseoir dans la salle du tribunal, ou que le fait d’être dans la salle du tribunal et encadré d’agents de sécurité signifiait qu’un prisonnier n’était plus en détention. Les prisonniers, même les plus dangereux des terroristes, ont témoigné depuis la barre des témoins dans la salle du tribunal aux avocats et aux magistrats. Au sein de la Haute Cour, les prisonniers s’asseyaient fréquemment avec leurs avocats lors des audiences d’extradition, dans les cas extrêmes de criminels violents menottés à un agent de sécurité.

    Baraitser a répondu qu’Assange pouvait représenter un danger pour le public. Il s’agit d’une question de santé et de sécurité. Comment Fitzgerald et Lewis pensaient-ils qu’elle avait la capacité d’effectuer l’évaluation des risques nécessaire ? Il faudrait que le groupe 4 décide si cela est possible.

    Oui, elle a vraiment dit cela. Le groupe 4 devrait décider.

    Baraitser s’est mis à balancer du jargon comme un Dalek devenu incontrôlable. L’"évaluation des risques" et la "santé et la sécurité" ont beaucoup fait parler d’eux. Elle a commencé à ressembler à quelque chose de pire qu’un Dalek, un fonctionnaire local particulièrement stupide et de très mauvaise qualité. "Pas de juridiction" - "Jusqu’au groupe 4". Se ressaisissant un peu, elle a affirmé fermement que la remise en détention ne peut signifier que la remise au banc des accusés, nulle part ailleurs dans la salle. Si la défense voulait qu’il soit dans la salle d’audience où il pourrait mieux entendre la procédure, elle ne pourrait que demander la mise en liberté sous caution et sa libération de détention en général. Elle a alors regardé les deux avocats dans l’espoir que cela les aurait fait s’asseoir, mais tous deux sont restés debout.

    Dans sa manière réservée (qui, je l’avoue, commence à me taper sur le système), Lewis a déclaré : "l’accusation est neutre sur cette demande, bien sûr, mais, euh, je ne pense vraiment pas que ce soit juste". Il la regardait comme un oncle bienveillant dont la nièce préférée vient de commencer à boire de la tequila à la bouteille lors d’une fête de famille.

    Baraitser a conclu l’affaire en déclarant que la défense devrait soumettre des arguments écrits sur ce point avant 10 heures demain matin, et qu’elle tiendrait alors une audience séparée sur la question de la position de Julian au tribunal.

    La journée avait commencé avec un Magistrat Baraitser très en colère s’adressant à la galerie publique. Hier, a-t-elle dit, une photo avait été prise à l’intérieur de la salle d’audience. Prendre ou tenter de prendre des photos à l’intérieur de la salle d’audience est un délit. Vanessa Baraitser paraissait à ce moment avoir très envie d’incarcérer quelqu’un. Elle semblait également, dans sa colère, faire l’hypothèse non fondée que celui qui avait pris la photo depuis la galerie publique mardi était encore présent mercredi ; je pense que non. Être en colère contre le public au hasard doit être très stressant pour elle. Je soupçonne qu’elle crie beaucoup dans les trains.

    Mme Baraitser n’aime pas les photos - elle semble être la seule personnalité publique en Europe occidentale à ne pas avoir de photo d’elle sur Internet. En effet, n’importe quel pékin a laissé plus de preuves de son existence et de son histoire sur internet que Vanessa Baraitser. Ce qui n’est pas un crime de sa part, mais je soupçonne qu’un tel effacement ne se fait pas sans un effort considérable. [Ndt – Cela demande effectivement soit un travail considérable soit une attention de tous les instants et de longue date] Quelqu’un m’a suggéré qu’elle pourrait être un hologramme, mais je ne pense pas. Les hologrammes ont plus d’empathie qu’elle.

    J’ai été amusé par l’infraction pénale consistant à tenter de prendre des photos dans la salle d’audience. Dans quelle mesure faudrait-il être incompétent pour tenter de prendre une photo et ne pas le faire ? Et si aucune photo n’a été prise, comment prouver que vous avez tenté d’en prendre une, plutôt que d’envoyer un SMS à votre mère ? Je suppose que "tenter de prendre une photo" est un crime qui pourrait attraper quelqu’un arrivant avec un grand appareil photo reflex, un trépied et plusieurs lampes d’éclairage, mais aucun ne semble avoir réussi à se glisser dans la galerie publique.

    Baraitser n’a pas précisé si la publication d’une photographie prise dans une salle d’audience (ou même la tentative de publier une photographie prise dans une salle d’audience) constituait un délit. Je pense que c’est le cas. Quoi qu’il en soit, Le Grand Soir a publié une traduction de mon rapport hier, et vous pouvez y voir une photo de Julian dans sa cage antiterroriste en verre pare-balles. Et je m’empresse d’ajouter qu’elle n’a pas été prise par moi. [et la Rédaction du Grand Soir s’empresse d’ajouter que cette photo ne nous a pas été fournie par M. Murray ni par les services de renseignements russes et qu’elle circule par-ci par-là sur l’internet]

    Nous en arrivons maintenant à l’examen des arguments juridiques d’hier concernant la demande d’extradition elle-même. Heureusement, ils sont assez simples à résumer, car bien que nous ayons eu cinq heures de discussions, elles ont consisté en grande partie à ce que les deux parties s’affrontent en citant des dizaines d’"autorités", par exemple des juges morts, pour faire valoir leur point de vue, et en répétant ainsi continuellement les mêmes points sans grande valeur d’exégèse des innombrables citations.

    Comme l’a préfiguré hier le magistrat Baraitser, le ministère public soutient que l’article 4.1 du traité d’extradition entre le Royaume-Uni et les États-Unis n’a pas force de loi.

    Les gouvernements britannique et américain affirment que la Cour applique le droit national, et non le droit international, et que le traité n’a donc aucune valeur. Cet argument a été présenté à la Cour sous forme d’un écrit auquel je n’ai pas accès. Mais d’après les discussions au tribunal, il est clair que le ministère public soutient que la loi sur l’extradition de 2003, en vertu de laquelle le tribunal fonctionne, ne fait pas d’exception pour les infractions politiques. Toutes les lois d’extradition précédentes avaient exclu l’extradition pour des délits politiques, il doit donc être dans l’intention du parlement souverain que les délinquants politiques puissent désormais être extradés.

    En ouvrant son argumentation, Edward Fitzgerald a fait valoir que la loi sur l’extradition de 2003 ne suffit pas à elle seule pour procéder à une véritable extradition. L’extradition nécessite la mise en place de deux éléments : la loi générale sur l’extradition et le traité d’extradition avec le ou les pays concernés. "Pas de traité, pas d’extradition" était une règle inviolable. Le traité était la base même de la demande. Dire que l’extradition n’était pas régie par les termes du traité même en vertu duquel elle a été faite, c’était créer une absurdité juridique et donc un abus de procédure. Il a cité des exemples de jugements rendus par la Chambre des Lords et le Privy Council où les droits issus du traité ont été jugés exécutoires malgré leur absence dans la législation nationale, notamment pour empêcher que des personnes soient extradées vers une exécution potentielle dans les colonies britanniques.

    Fitzgerald a souligné que si la loi sur l’extradition de 2003 ne contient pas d’interdiction d’extradition pour des délits politiques, elle ne précise pas qu’une telle interdiction ne peut pas figurer dans les traités d’extradition. Et le traité d’extradition de 2007 a été ratifié après la loi d’extradition de 2003.

    A ce stade, Baraitser l’a interrompu pour dire qu’il était clair que l’intention du Parlement était qu’il puisse y avoir une extradition pour des délits politiques. Sinon, il n’aurait pas supprimé l’obstacle dans la législation précédente. Fitzgerald a refusé de céder, affirmant que la loi ne disait pas que l’extradition pour des délits politiques ne pouvait pas être interdite par le traité autorisant l’extradition.

    Fitzgerald a poursuivi en disant que la jurisprudence internationale avait accepté pendant un siècle ou plus que l’on n’extrade pas les délinquants politiques. C’est précisé dans La Convention européenne d’extradition, le modèle de traité d’extradition des Nations unies et la Convention d’Interpol sur l’extradition. C’est précisé dans chacun des traités d’extradition conclus par les États-Unis avec d’autres pays, et ce depuis plus d’un siècle, sur l’insistance des États-Unis. Le fait que les gouvernements britannique et américain disent qu’il ne s’applique pas est étonnant et créerait un terrible précédent qui mettrait en danger les dissidents et les prisonniers politiques potentiels de Chine, de Russie et de régimes du monde entier qui se sont échappés vers des pays tiers.

    Fitzgerald a déclaré que toutes les grandes autorités étaient d’accord sur le fait qu’il y avait deux types de délits politiques. Le délit politique pur et le délit politique relatif. Un délit politique "pur" a été défini comme la trahison, l’espionnage ou la sédition. Un délit politique "relatif" est un acte normalement criminel, comme l’agression ou le vandalisme, commis avec un motif politique. Chacune des accusations portées contre Assange était un délit politique "pur". Toutes sauf une étaient des accusations d’espionnage, et l’accusation de piratage informatique avait été comparée par l’accusation à la violation de la loi sur les secrets officiels pour répondre au critère de double incrimination. L’accusation primordiale selon laquelle Assange cherchait à nuire aux intérêts politiques et militaires des États-Unis est la définition même d’un délit politique selon toutes les autorités.

    En réponse, Lewis déclara qu’un traité ne pouvait pas être contraignant en droit anglais à moins d’être spécifiquement incorporé dans le droit anglais par le Parlement. Il s’agissait là d’une défense démocratique nécessaire. Les traités étaient conclus par l’exécutif qui ne pouvait pas faire la loi. Cela relevait de la souveraineté du Parlement. Lewis a cité de nombreux jugements déclarant que les traités internationaux signés et ratifiés par le Royaume-Uni ne pouvaient pas être appliqués par les tribunaux britanniques. "Les autres pays pourraient être surpris que leurs traités avec le gouvernement britannique n’aient aucune force juridique", a-t-il plaisanté.

    Lewis a déclaré qu’il n’y avait pas d’abus de procédure ici et qu’aucun droit n’était donc invoqué au titre de la Convention européenne. C’était le fonctionnement normal de la loi que la disposition du traité sur la non extradition pour des délits politiques n’avait pas de valeur juridique.

    Selon M. Lewis, le gouvernement américain conteste que les infractions commises par Assange soient politiques. Au Royaume-Uni, en Australie et aux États-Unis, la définition du délit politique est différente de celle du reste du monde. Nous avons considéré que les infractions politiques "pures" que sont la trahison, l’espionnage et la sédition n’étaient pas des infractions politiques. Seules les infractions politiques "relatives" - des crimes ordinaires commis avec un motif politique - étaient considérées comme des infractions politiques dans notre tradition. Dans cette tradition, la définition du terme "politique" se limitait également au soutien d’un parti politique concurrent dans un État. Lewis poursuivra demain avec cet argument.

    Voilà qui conclut mon compte rendu de la procédure. J’ai un commentaire important à faire à ce sujet et j’essaierai de faire un autre article plus tard dans la journée. Je me précipite maintenant au tribunal.

    Avec mes remerciements à ceux qui ont fait des dons ou qui se sont abonnés pour rendre ce reportage possible.

    Cet article est entièrement libre de reproduction et de publication, y compris en traduction, et j’espère vivement que les gens le feront activement. La vérité nous rendra libres.

    Craig Murray

    Traduction « quoi ma photo ? qu’est-ce qu’elle a ma photo ? » par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

    »» https://www.craigmurray.org.uk/archives/2020/02/your-man-in-the-public...

    URL de cet article 35726
    https://www.legrandsoir.info/compte-rendu-du-proces-assange-3eme-jour.html


    votre commentaire
  • Craig MURRAY
    photo : illustration par la rédaction du Grand Soir (source indéterminée)
    Cet après-midi, l’avocat espagnol de Julian, Baltasar Garzon, a quitté le tribunal pour retourner à Madrid. En sortant, il s’est naturellement arrêté pour serrer la main de son client, en faisant passer ses doigts par l’étroite fente de la cage de verre pare-balles. Assange, à moitié debout, a pris la main de son avocat. Les deux gardes de sécurité dans la cage avec Assange se sont immédiatement levés, mettant la main sur Julian et le forçant à s’asseoir, empêchant la poignée de main.
     
    Ce n’était pas le pire aujourd’hui, loin de là, mais c’est une image frappante de la force brute insensée utilisée continuellement contre un homme accusé de publier des documents. Le fait qu’un homme ne puisse même pas serrer la main de son avocat est contraire à l’esprit dans lequel les membres du système juridique aiment à faire semblant de pratiquer le droit. Je vous offre ce moment étonnant comme un résumé des événements d’hier au tribunal.
     
    Le deuxième jour, la procédure avait commencé par une déclaration d’Edward Fitzgerald, avocat d’Assange, qui nous a brutalement secoué. Il a déclaré qu’hier, le premier jour du procès, Julian avait été déshabillé et fouillé à deux reprises, menotté à onze reprises et enfermé cinq fois dans différentes cellules de détention. De plus, tous les documents judiciaires lui ont été retirés par les autorités de la prison, y compris les communications privilégiées entre ses avocats et lui-même, et il n’a pas pu se préparer à participer au procès d’aujourd’hui.
     
    La magistrate Baraitser a regardé Fitzgerald et a déclaré, d’une voix empreinte de dédain, qu’il avait déjà soulevé de telles questions auparavant et qu’elle lui avait toujours répondu qu’elle n’avait aucune compétence sur le domaine de la prison. Il devrait en parler avec les autorités de la prison. Fitzgerald resta sur ses positions, ce qui lui valut un air très renfrogné de la part de Baraitser, et lui répondit qu’il allait bien sûr recommencer, mais que ce comportement répété des autorités pénitentiaires menaçait la capacité de la défense à se préparer. Il a ajouté que, quelle que soit la juridiction, il était d’usage, selon son expérience, que les magistrats et les juges transmettent leurs commentaires et leurs demandes à l’administration pénitentiaire lorsque le déroulement du procès en était affecté, et que normalement les prisons prêtaient une oreille sympathique.
     
    Baraitser a nié catégoriquement toute connaissance d’une telle pratique et a déclaré que Fitzgerald devrait lui présenter des arguments écrits exposant la jurisprudence en matière de compétence sur les conditions de détention. C’en était trop même pour l’avocat de l’accusation James Lewis, qui s’est levé pour dire que l’accusation voudrait aussi qu’Assange ait une audience équitable, et qu’il pouvait confirmer que ce que la défense suggérait était une pratique normale. Même alors, Baraitser refusait toujours d’intervenir auprès de la prison. Elle a déclaré que si les conditions carcérales étaient si mauvaises qu’elles rendaient impossible un procès équitable, la défense devrait présenter une motion de rejet des accusations pour ce motif. Dans le cas contraire, elle devrait laisser tomber.
     
    L’accusation et la défense ont toutes deux semblé surprises par l’affirmation de Baraitser selon laquelle elle n’avait pas entendu parler de ce qu’elles qualifiaient toutes deux de pratique courante. Lewis a peut-être été sincèrement préoccupé par la description choquante du traitement de la prison d’Assange hier ; ou il a peut-être juste eu des alarmes qui se sont déclenchées dans sa tête en criant "annulation du procès". Mais le résultat net est que Baraitser ne fera rien pour empêcher les abus physiques et mentaux de Julian en prison, ni pour essayer de lui donner la possibilité de participer à sa défense. La seule explication réaliste qui me vienne à l’esprit est que Baraitser a été prévenue, car ce mauvais traitement continu et la confiscation de documents relèvent de la haute autorité du gouvernement.
     
    Un dernier petit incident à relater : après avoir fait la queue à nouveau dès les premières heures, j’étais dans la dernière file d’attente avant l’entrée de la galerie publique, lorsque le nom de Kristin Hrnafsson, rédacteur en chef de Wikileaks, avec qui j’étais en train de parler, a été prononcé. Kristin s’est identifié, et le fonctionnaire du tribunal lui a dit qu’il lui était interdit d’entrer dans la galerie publique.
     
    J’étais avec Kristin pendant toute la procédure la veille, et il n’avait rien fait de mal - c’est un homme plutôt calme. Lorsqu’il a été appelé, c’était par son nom et par son titre professionnel - ils interdisaient spécifiquement le rédacteur en chef de Wikileaks de participer au procès. Kristin a demandé pourquoi et on lui a répondu que c’était une décision de la Cour.

    À ce stade, John Shipton, le père de Julian, a annoncé que dans ce cas, les membres de la famille allaient tous partir aussi, et ils l’ont fait, en sortant du bâtiment. Ils ont alors commencé, avec d’autres, à tweeter la nouvelle du départ de la famille. Cela a semblé causer une certaine consternation parmi les fonctionnaires du tribunal, et quinze minutes plus tard, Kristin a été réadmise. Nous ne savons toujours pas ce qui se cache derrière tout cela. Plus tard dans la journée, les journalistes ont été informés par les fonctionnaires que c’était simplement pour avoir resquillé, mais cela semble improbable car il a été renvoyé par le personnel qui l’a appelé par son nom et son titre, plutôt que de l’avoir repéré comme un resquilleur.
     
    Aucune de ces informations ne concerne l’affaire officielle. Tout ce qui précède vous en dit plus sur la nature draconienne du simulacre de procès politique qui se déroule que sur la mascarade qui se déroule dans la salle du tribunal. Il y a eu des moments aujourd’hui où j’ai été happé par l’argumentaire judiciaire et suspendu aux lèvres comme on peut l’être au théâtre, et où j’ai commencé à penser "Wow, cette affaire se passe bien pour Assange". Puis un événement tel que ceux relatés ci-dessus se produit, une froideur s’empare de votre cœur, et vous vous souvenez qu’il n’y a pas de jury a convaincre. Je crois que rien de ce qui sera dit ou prouvé dans la salle d’audience aura un impact sur le verdict final de ce tribunal.
     
    Passons donc à la procédure proprement dite.
     
    Pour la défense, Mark Summers a déclaré que les accusations des États-Unis dépendaient entièrement de trois accusations factuelles de comportement d’Assange :
    1) Assange a aidé Manning à décoder une clé de cryptage pour accéder à du matériel classifié.
    Summers a déclaré qu’il s’agissait d’une allégation fausse prouvée lors de la cour martiale de Manning.
    2) Assange a sollicité le matériel auprès de Manning
    M. Summers a déclaré que les informations publiques prouvaient que cela était faux
    3) Assister a sciemment mis des vies en danger
    M. Summers a déclaré qu’il était prouvé que cela était faux, tant à partir d’informations accessibles au public qu’en raison de l’implication spécifique du gouvernement américain.
     
    En résumé, M. Summers a déclaré que le gouvernement américain savait que les allégations formulées étaient fausses quant aux faits et qu’il était prouvé qu’elles avaient été formulées de mauvaise foi. Il s’agit donc d’un abus de procédure qui devrait conduire au rejet de la demande d’extradition. Il a décrit les trois chefs d’accusation ci-dessus comme "de la foutaise, de la foutaise et de la foutaise".Summers a ensuite passé en revue les faits. Il a déclaré que les accusations des États-Unis divisent en trois catégories les documents divulgués par Manning à Wikileaks qui sont :
    a) Câbles diplomatiques
    b) Les notes d’évaluation des détenus de Guantanamo
    c) Règles d’engagement pour la guerre en Irak
    d) Journaux de guerre afghans et irakiens
     
    Les Summers ont ensuite méthodiquement passé en revue les points a), b), c) et d) en les reliant chacun à leur tour aux comportements allégués 1), 2) et 3), en douze explications et démonstrations en tout. Ce compte rendu exhaustif a pris environ quatre heures et je ne tenterai pas de le reproduire ici. Je vais plutôt en donner les grandes lignes, mais je me référerai occasionnellement au numéro du comportement allégué et/ou à la lettre de l’allégation. J’espère que vous arriverez à suivre cette méthode - il m’a fallu un certain temps pour la réaliser !
     
    Pour 1) Summers a démontré de façon concluante que Manning avait accès à chaque matériel a) b) c) d) fourni à Wikileaks sans avoir besoin d’un code d’Assange, et qu’il avait cet accès avant même de contacter Assange. Manning n’avait pas non plus besoin d’un code pour dissimuler son identité comme l’alléguait l’accusation - la base de données des analystes du renseignement à laquelle Manning pouvait accéder - comme des milliers d’autres - ne nécessitait pas de nom d’utilisateur ou de mot de passe pour y accéder à partir d’un ordinateur militaire professionnel. Summers a cité le témoignage de plusieurs officiers de la cour martiale de Manning pour le confirmer. Le fait de casser le code d’administration du système ne donnerait pas non plus à Manning l’accès à d’autres bases de données classifiées. Summers a cité le témoignage de la cour martiale de Manning, où cela avait été accepté, selon lequel la raison pour laquelle Manning voulait accéder à l’administration des systèmes était de permettre aux soldats de mettre leurs jeux vidéo et leurs films sur les ordinateurs portables du gouvernement, ce qui en fait se produisait fréquemment.
     
    Le magistrat Baraitser a procédé à deux reprises à des interruptions importantes. Elle a fait remarquer que si Chelsea Manning ne savait pas qu’elle ne pouvait pas être tracée comme l’utilisateur qui avait téléchargé les bases de données, elle aurait pu par ignorance demander l’aide d’Assange pour cracker un code afin de dissimuler son identité ; même si elle n’avait pas besoin de le faire, l’aide d’Assange constituerait une infraction.
     
    Summers a souligné que Mme Manning savait qu’elle n’avait pas besoin de nom d’utilisateur et de mot de passe, car elle avait en fait accédé à tous les documents sans en avoir. Baraitser a répondu que cela ne constituait pas une preuve qu’elle savait qu’elle ne pouvait pas être pistée. Summers a déclaré qu’il n’était pas logique de soutenir qu’elle cherchait un code pour dissimuler son nom d’utilisateur et son mot de passe, alors qu’il n’y avait pas de nom d’utilisateur et de mot de passe. Baraitser a répondu à nouveau qu’il ne pouvait pas le prouver. C’est à ce moment que Summers est devenu quelque peu irritable avec Baraitser, et a énuméré de nouveau les preuves présentées à la cour martiale.
     
    Baraitser a également fait remarquer que même si Assange aidait Manning à craquer un code d’administrateur, même si cela ne lui permettait pas d’accéder à d’autres bases de données, il s’agissait toujours d’une utilisation non autorisée et cela constituerait le crime de complicité d’utilisation abusive d’un ordinateur, même si dans un but innocent.
     
    Après une brève pause, Baraitser est revenue avec quelques bien bonnes. Elle a dit à Summers qu’il avait présenté les conclusions de la cour martiale américaine de Chelsea Manning comme des faits. Mais elle n’était pas d’accord avec le fait que son tribunal devait considérer les preuves présentées devant une cour martiale américaine, même les preuves agréées ou non contestées ou les preuves de l’accusation, comme des faits. Summers a répondu que les preuves convenues ou les preuves à charge devant la cour martiale américaine étaient clairement considérées comme des faits par le gouvernement américain, et que la question était de savoir si le gouvernement américain lançait de fausses accusations en toute connaissance de cause. Baraitser a déclaré qu’elle reviendrait sur ce point une fois les témoins entendus.
     
    Baraitser ne cherchait pas à dissimuler son hostilité envers l’argument de la défense, et semblait irritée qu’ils aient eu la témérité de le formuler. Cela paru évident lors de la discussion sur le point c), les règles d’engagement de la guerre en Irak. Summers a fait valoir que celles-ci n’avaient pas été sollicitées auprès de Manning, mais qu’elles avaient plutôt été fournies par Manning dans un dossier d’accompagnement avec la vidéo Collateral Murder qui montrait le meurtre d’enfants et de journalistes de Reuters. L’objectif de Manning, comme elle l’a déclaré lors de sa cour martiale, était de montrer que les actions visibles dans Collateral Murder violaient les règles d’engagement, même si le ministère de la défense affirmait le contraire. Summers a déclaré qu’en n’incluant pas ce contexte, la demande d’extradition américaine tentait délibérément de tromper car elle ne mentionnait même pas la vidéo Collateral Murder.
     
    À ce stade, Baraitser ne pouvait pas dissimuler son mépris. (…) Ceci une citation littérale :"Suggérez-vous, M. Summers, que les autorités, le gouvernement, devraient fournir le contexte de leurs accusations ?"
     
    Un Summers infatigable a répondu par l’affirmative et a ensuite montré où la Cour suprême l’avait dit dans d’autres affaires d’extradition. Baraitser semblait totalement perdue devant l’idée qu’on pouvait prétendre faire une distinction entre le gouvernement et Dieu.
     
    L’essentiel de l’argumentation de Summers consistait à réfuter le comportement 3), la mise en danger de vies. Cela n’a été revendiqué qu’en relation avec les éléments a) et d). Summers a longuement décrit les efforts déployés par Wikileaks avec ses partenaires médiatiques pendant plus d’un an pour mettre en place une campagne de rédaction massive sur les câbles. Il a expliqué que les câbles non expurgés n’ont été disponibles qu’après que Luke Harding et David Leigh du Guardian aient publié le mot de passe de l’archive en tête du chapitre XI de leur livre sur Wikileaks, publié en février 2011.
     
    Personne n’avait fait le rapprochement avec le mot de passe jusqu’à ce que la publication allemande Die Freitag le fasse et annonce en août 2011 qu’elle avait tous les câbles non expurgés. Summers a ensuite présenté les arguments les plus percutants de la journée.
     
    Le gouvernement américain avait participé activement à l’exercice de rédaction des câbles. Ils savaient donc que les allégations de publication imprudente étaient fausses.
     
    Une fois que Die Freitag a annoncé qu’ils avaient les documents non expurgés, Julian Assange et Sara Harrison ont immédiatement téléphoné à la Maison Blanche, au Département d’Etat et à l’Ambassade des Etats-Unis pour les avertir que les sources nommées pouvaient être mises en danger. Summers a lu les transcriptions des conversations téléphoniques alors qu’Assange et Harrison tentaient de convaincre les responsables américains de l’urgence d’activer les procédures de protection des sources - et ont exprimé leur perplexité face à l’obstruction des responsables. Ces preuves ont complètement miné le dossier du gouvernement américain et ont prouvé la mauvaise foi en omettant des faits extrêmement pertinents. Ce fut un moment très frappant.
     
    En ce qui concerne le même comportement 3) sur les documents d), Summers a montré que la cour martiale de Manning avait admis que ces documents ne contiennent pas de noms de sources en danger, mais a montré que Wikileaks avait de toute façon activé un exercice de rédaction pour une approche "ceinture et bretelles". La défense a dit bien plus.
     
    Pour l’accusation, James Lewis a indiqué qu’il répondrait de manière approfondie plus tard dans la procédure, mais a souhaité déclarer que l’accusation n’accepte pas les preuves de la cour martiale comme des faits, et en particulier n’accepte aucun des témoignages "égoïstes" de Chelsea Manning, qu’il a dépeint comme un criminel condamné se prévalant à tort de nobles motifs. L’accusation a généralement rejeté toute idée selon laquelle cette cour devrait examiner la vérité ou les faits car ceux-ci ne pouvaient être décidés que lors d’un procès aux États-Unis.
     
    Ensuite, pour conclure la procédure, Baraitser a lancé une bombe. Elle a déclaré que bien que l’article 4.1 du traité d’extradition entre les États-Unis et le Royaume-Uni interdise les extraditions politiques, cela ne figure que dans le traité. Cette exemption n’apparaît pas dans la loi britannique sur l’extradition. À première vue, l’extradition politique n’est donc pas illégale au Royaume-Uni, car le traité n’a pas de force juridique devant la Cour. Elle a invité la défense à aborder cet argument dans la matinée.
     
    Il est maintenant 6h35 et je suis en retard pour commencer à faire la queue…
     
    Avec nos remerciements à ceux qui ont fait des dons ou qui se sont inscrits pour rendre ce reportage possible.
     
    Cet article est entièrement libre de reproduction et de publication, y compris en traduction, et j’espère vivement que les gens le feront activement. La vérité nous rendra libres.
     
    Craig Murray
     
    traduction "avec une envie de gerber" par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles
    »» https://www.craigmurray.org.uk/archives/2020/02/your-man-in-the-public...
    URL de cet article 35725
    https://www.legrandsoir.info/compte-rendu-du-proces-assange-2eme-jour.html

    1 commentaire
  • Compte-rendu du Procès Assange, 1er jour

    Craig MURRAY
    Woolwich Crown Court est conçu pour imposer le pouvoir de l’État. Les tribunaux normaux de ce pays sont des bâtiments publics, délibérément placés par nos ancêtres en plein centre-villes, presque toujours à proximité d’une rue principale. Le but principal de leur positionnement et de leur architecture était de faciliter l’accès au public, avec la conviction qu’il est vital que la justice soit visible par le public.
     
    Woolwich Crown Court, qui accueille le Belmarsh Magistrates Court, est construit sur un principe totalement opposé. Il n’a pas d’autre but que d’exclure le public. Rattaché à une prison située dans un marais balayé par les vents, loin de tout centre social normal, une île accessible uniquement en naviguant dans un labyrinthe de routes à double voie, tout l’emplacement et l’architecture du bâtiment sont pensés pour décourager l’accès au public. Il est entouré par la même barrière de palissage en acier extrêmement résistant qui ceinture la prison. C’est une chose extraordinaire, un palais de justice qui fait partie du système carcéral lui-même, un lieu où l’on est déjà considéré comme coupable et incarcéré dès son arrivée. Le Woolwich Crown Court n’est rien d’autre que la négation physique de la présomption d’innocence, l’incarnation même de l’injustice coulée dans du béton, de l’acier, et des vitres blindées. Il a précisément la même relation à la justice que Guantanamo Bay ou la Lubyanka. Il n’est en réalité que l’aile de condamnations de la prison de Belmarsh.
     
    Lorsqu’il s’est renseigné sur les possibilités de participation du public à l’audience, un militant d’Assange s’est fait dire par un membre du personnel du tribunal que nous devrions nous rendre compte que Woolwich est un "tribunal antiterroriste". C’est vrai de facto, mais en réalité, un "tribunal antiterroriste" est une institution inconnue de la constitution britannique. En effet, il suffit de passer une seule journée passée au tribunal de la Couronne de Woolwich pour se rendre à l’évidence que la démocratie libérale est désormais un mensonge.
     
    Les audiences d’extradition ne se tiennent pas à la Magistrates Court de Belmarsh, au sein de la Woolwich Crown Court. Elles ont toujours lieu à la Magistrates Court de Westminster, car la demande est réputée avoir été remise au gouvernement à Westminster. A vous de tirer les conclusions. Cette audience se tient à la Westminster Magistrates Court. Elle est tenue par les magistrats de Westminster et le personnel de la cour de Westminster, mais elle se déroule à la Magistrates Court de Belmarsh, à l’intérieur de la Crown Court de Woolwich. Cette étrange convolution a précisément pour but de leur permettre d’utiliser la "cour antiterroriste" pour limiter l’accès au public et imposer la peur du pouvoir de l’État.
     
    L’une des conséquences est que, dans la salle d’audience elle-même, Julian Assange est confiné au fond du tribunal derrière un écran de verre pare-balles. Il a fait remarquer à plusieurs reprises au cours de la procédure qu’il lui était ainsi très difficile de voir et d’entendre les débats. La magistrate, Vanessa Baraitser, a choisi d’interpréter cela, avec une malhonnêteté étudiée, comme un problème dû au très faible bruit des manifestants à l’extérieur, par opposition à un problème causé par le fait qu’Assange est enfermé à l’écart dans une énorme boîte de verre pare-balles.
     
    Or, il n’y a aucune raison pour qu’Assange se trouve dans cette boîte, conçue pour contenir des terroristes extrêmement violents physiquement. Il pourrait siéger, comme le ferait normalement un accusé à une audience, au sein du tribunal à côté de ses avocats. Mais la lâche et vicieuse Baraitser a refusé les demandes répétées et persistantes de la défense pour qu’Assange soit autorisé à s’asseoir avec ses avocats. Baraitser n’est bien sûr qu’une marionnette, étant supervisée par la magistrate en chef Lady Arbuthnot, une femme tellement imbriquée dans l’establishment des services de défense et de sécurité que son implication dans cette affaire ne pourrait être plus corrompue.
     
    Peu importe à Baraitser ou Arbuthnot s’il est vraiment nécessaire d’incarcérer Assange dans une cage pare-balles, ou si cela l’empêche de suivre la procédure judiciaire. L’intention de Baraitser est d’humilier Assange, et de nous inspirer de l’horreur face à l’énorme pouvoir d’écrasement de l’État. La force inexorable de l’aile des condamnations de la cauchemardesque prison de Belmarsh doit être affirmée. Si vous êtes ici, c’est que vous êtes coupable.
     
    C’est la Lubyanka. Vous ne pouvez être qu’un prisonnier en détention préventive. Il ne peut s’agir que d’une audience, pas d’un procès. Vous pouvez n’avoir aucun antécédent de violence et ne pas être accusé de violence. Vous pouvez avoir trois des plus éminents psychiatres du pays qui soumettent des rapports sur vos antécédents de dépression clinique sévère et qui avertissent d’un risque de suicide. Mais moi, Vanessa Baraitser, je vais quand même vous enfermer dans une boîte conçue pour le plus violent des terroristes. Pour montrer ce que nous pouvons faire aux dissidents. Et si vous ne pouvez pas suivre les procédures judiciaires, tant mieux.
     
    Vous accepterez peut-être mieux ce que je dis de la Cour si je vous dis que, pour une audience suivie dans le monde entier, ils ont décidé de la tenir dans une salle d’audience qui a un nombre total de seize sièges disponibles pour les membres du public. 16. Pour être sûr d’avoir l’une de ces seize places et de pouvoir être votre témoin, je me suis présenté à l’extérieur de cette grande clôture de fer cadenassée, à faire la queue dans le froid, l’humidité et le vent dès 6 heures du matin. À 8 heures, la porte a été déverrouillée et j’ai pu entrer dans la clôture pour faire une autre queue devant la salle d’audience, où, malgré le fait que des avis indiquent clairement que la cour est ouverte au public à 8 heures, j’ai dû faire la queue à l’extérieur du bâtiment pendant encore une heure et quarante minutes. Ensuite, j’ai dû passer par des sas blindés, une sécurité de type aéroport, et faire de nouveau la queue derrière deux autres portes verrouillées, avant d’arriver enfin à mon siège au moment où le tribunal commençait à 10 heures. À ce stade, nous aurions dû être complètement intimidés, sans parler du fait d’être trempés et de risquer l’hypothermie.
     
    Il y avait une entrée séparée pour les médias et une salle de presse avec retransmission en direct des débats dans la salle d’audience, et il y avait tellement de médias que j’ai pensé pouvoir me détendre et ne pas m’inquiéter car les faits le plus élémentaire allaient être largement diffusés. Grossière erreur. J’ai suivi les arguments très attentivement à chaque minute de la journée, et pas un seul des faits et arguments les plus importants aujourd’hui n’a été rapporté dans les médias grand public. C’est une affirmation audacieuse, mais je crains qu’elle ne soit parfaitement vraie. J’ai donc beaucoup de travail à faire pour que le monde sache ce qui s’est réellement passé. Le simple fait d’être un témoin honnête est soudain extrêmement important, alors que l’ensemble des médias ont abandonné ce rôle.
     
    James Lewis a fait la déclaration d’ouverture pour l’accusation. Elle était composée de deux parties, aussi extraordinaires l’une que l’autre. La première partie, la plus longue, était vraiment remarquable car elle ne contenait aucun argument juridique et s’adressait non pas au magistrat mais aux médias. Il n’était pas seulement évident que c’était à eux que ses remarques étaient destinées, il a en fait déclaré à deux reprises au cours de sa déclaration d’ouverture qu’il s’adressait aux médias, une fois en répétant une phrase et en disant spécifiquement qu’il la répétait à nouveau parce qu’il était important que les médias comprennent.
     
    Je suis franchement étonné que Baraitser ait permis cela. Il est tout à fait inadmissible qu’un avocat adresse des remarques non pas à la cour mais aux médias, et il ne pourrait y avoir de preuve plus claire qu’il s’agit d’un procès politique à grand spectacle et que Baraitser en est complice. Je n’ai pas le moindre doute que la défense aurait été arrêtée très rapidement si elle avait commencé à adresser des remarques aux médias. Baraitser ne prétend nullement être autre chose qu’une marionnette de la Couronne, et par extension du gouvernement américain.
     
    Les points que Lewis souhaitait faire connaître aux médias étaient les suivants : il n’est pas vrai que les grands médias comme le Guardian et le New York Times sont également menacés par les accusations portées contre Assange, car ce dernier n’était pas accusé d’avoir publié les câbles, mais seulement d’avoir publié les noms des informateurs, et d’avoir encouragé Manning et de l’avoir aidée à tenter de pirater les ordinateurs. Seul Assange avait fait ces choses, et non les grands médias.
     
    Lewis a ensuite lu une série d’articles des grands médias attaquant Assange, comme preuve que les médias et Assange n’étaient pas dans le même bateau. Pendant toute une heure, l’accusation s’est adressée aux médias pour tenter de creuser un fossé entre les médias et Wikileaks et ainsi réduire leur soutien à Assange. Il s’agissait d’un discours politique, et non d’une simple soumission juridique. En même temps, l’accusation avait préparé des copies de cette partie de l’intervention de Lewis, qui ont été distribuées aux médias et transmises électroniquement pour qu’ils puissent les copier-coller.
     
    Après un ajournement, la magistrate Baraitser a interrogé l’accusation sur la véracité de certaines de ces affirmations. En particulier, l’affirmation selon laquelle les journaux ne se trouvaient pas dans la même situation parce qu’Assange était accusé non pas de publier, mais d’avoir "aidé et encouragé" Chelsea Manning à obtenir le matériel, ne semblait pas cohérente avec la lecture que faisait Lewis de la loi de 1989 sur les secrets officiels, selon laquelle le simple fait d’obtenir et de publier un secret gouvernemental constitue une infraction. Cela signifiait certainement, selon Baraitser, que les journaux qui se contentent de publier les fuites de Manning seraient aussi coupables d’un délit.
     
    Lewis a paru complètement pris au dépourvu. La dernière chose à laquelle il s’attendait, c’était la perspicacité de Baraitser, dont le travail consistait simplement à faire ce qu’il disait. Lewis a grommelé, bafouillé, enlevé et remis ses lunettes plusieurs fois, ajusté son microphone à plusieurs reprises et a ramassé une succession de morceaux de papier dans son dossier, chacun semblant le surprendre par son contenu, alors qu’il les agitait en l’air d’un air malheureux et disait qu’il aurait vraiment dû citer l’affaire Shayler mais qu’il ne la trouvait pas. C’était comme regarder un épisode (du feuilleton) Columbo mais sans le charme et sans la question qui tue à la fin.
     
    Soudain, Lewis a semblé prendre une décision. Oui, a-t-il dit d’une voix beaucoup plus ferme. La loi de 1989 sur les secrets officiels avait été introduite par le gouvernement Thatcher après l’affaire Ponting, précisément pour éliminer la défense d’intérêt public et faire de la possession non autorisée d’un secret officiel un crime de responsabilité stricte - ce qui signifie que peu importe comment vous l’avez obtenu, le fait de le publier et même de le posséder vous rendait coupable. Par conséquent, en vertu du principe de la double incrimination, Assange était passible d’extradition, qu’il ait ou non aidé et encouragé Manning. Lewis a ensuite ajouté que tout journaliste et toute publication qui publierait le secret officiel commettrait donc également une infraction, quelle que soit la manière dont il l’aurait obtenu, qu’il ait ou non nommé des informateurs.
     
    Lewis venait ainsi de contredire carrément toute sa déclaration d’ouverture aux médias en déclarant qu’ils n’avaient pas à s’inquiéter puisque les accusations d’Assange ne pouvaient jamais leur être appliquées. Et il l’a fait immédiatement après l’ajournement, juste après que son équipe ait distribué des copies de l’argumentation qu’il venait de contredire. Je ne peux pas croire qu’il soit souvent arrivé au tribunal qu’un avocat chevronné se révèle de façon si évidente et si vite être un menteur invétéré et peu motivé. Ce fut sans aucun doute le moment le plus époustouflant de l’audience d’aujourd’hui.
     
    Pourtant, il est remarquable que je ne trouve nulle part dans les médias grand public la moindre mention de ce qui s’est passé. Ce que je peux trouver, partout, c’est que les médias grand public rapportent, par le biais du copier-coller, la première partie de la déclaration de Lewis sur les raisons pour lesquelles l’accusation d’Assange ne constitue pas une menace pour la liberté de la presse ; mais personne ne semble avoir rapporté qu’il a totalement abandonné son propre argument cinq minutes plus tard. Les journalistes étaient-ils trop stupides pour comprendre les échanges ?
     
    L’explication est très simple. La clarification provenant d’une question que Baraitser a posée à Lewis, il n’y a pas d’enregistrement imprimé ou électronique de la réponse de Lewis. Sa déclaration originale a été fournie aux médias sous forme de copier-coller. Sa contradiction exigerait qu’un journaliste écoute ce qui a été dit au tribunal, le comprenne et l’écrive. De nos jours, aucun pourcentage significatif de journalistes des médias grand public ne maîtrise cette capacité élémentaire. Le "journalisme" consiste à couper et coller uniquement des sources approuvées. Lewis aurait pu poignarder Assange à mort dans la salle d’audience, et cela n’aurait pas été rapporté à moins de figurer dans un communiqué de presse du gouvernement.
     
    Je n’étais pas sûr de l’objectif de Baraitser dans cette affaire. Il est clair qu’elle a très mal traité Lewis sur ce point, et semblait plutôt apprécier de le faire. D’un autre côté, le point qu’elle a soulevé n’est pas nécessairement utile à la défense. Ce qu’elle a dit, c’est essentiellement que Julian pouvait être extradé en vertu de la double incrimination, du point de vue britannique, uniquement pour avoir publié, qu’il ait ou non conspiré avec Chelsea Manning, et que tous les journalistes qui ont publié pouvaient être inculpés également. Mais ce point est certainement si extrême qu’il serait forcément invalide en vertu de la loi sur les droits de l’homme. A-t-elle poussé Lewis à formuler une position si extrême qu’elle serait intenable - en lui donnant assez de corde pour se pendre - ou a-t-elle alimenté l’idée de non seulement extrader Assange, mais aussi de poursuivre en masse les journalistes ?
     
    La réaction d’un certain groupe a été très intéressante. Les quatre avocats du gouvernement américain assis juste derrière Lewis ont eu la grâce de paraître très mal à l’aise, car Lewis a déclaré sans ambages que tout journaliste et tout journal ou média qui publiait ou même possédait un secret gouvernemental commettait un délit grave. Toute leur stratégie avait consisté à faire semblant de dire le contraire.
     
    Lewis est ensuite passé à la conclusion des arguments de l’accusation. Le tribunal n’avait aucune décision à prendre, a-t-il déclaré. Assange doit être extradé. L’infraction répondait au critère de la double incrimination puisqu’il s’agissait d’un délit à la fois aux États-Unis et au Royaume-Uni. La loi britannique sur l’extradition interdit expressément au tribunal de vérifier s’il existe des preuves à l’appui des accusations. S’il y avait eu, comme l’a fait valoir la défense, un abus de procédure, le tribunal devait quand même procéder à l’extradition et examiner l’abus de procédure comme une affaire distincte. (Cet argument est particulièrement spécieux car il n’est pas possible pour le tribunal d’engager une action contre le gouvernement américain en raison de l’immunité souveraine, comme Lewis le sait bien). Enfin, Lewis a déclaré que la loi sur les droits de l’homme et la liberté d’expression n’étaient absolument pas pertinentes dans les procédures d’extradition.
     
    Edward Fitzgerald s’est ensuite levé pour faire la déclaration d’ouverture pour la défense. Il a commencé par déclarer que le motif de l’accusation était entièrement politique, et que les infractions politiques étaient spécifiquement exclues en vertu de l’article 4.1 du traité d’extradition entre le Royaume-Uni et les États-Unis. Il a souligné qu’au moment du procès de Chelsea Manning et de nouveau en 2013, l’administration Obama avait pris des décisions spécifiques de ne pas poursuivre Assange pour les fuites de Manning. Cette décision a été annulée par l’administration Trump pour des raisons entièrement politiques.
     
    Concernant l’abus de procédure, M. Fitzgerald a fait référence aux preuves présentées devant les tribunaux pénaux espagnols selon lesquelles la CIA avait chargé une société de sécurité espagnole d’espionner Julian Assange à l’ambassade, et que cet espionnage comprenait spécifiquement la surveillance des réunions privilégiées d’Assange avec ses avocats pour discuter de son extradition. Que l’État qui demande l’extradition espionne les consultations client-avocat de l’accusé est en soi un motif de rejet de l’affaire. (Ce point est sans aucun doute vrai. Tout juge digne de ce nom rejetterait sommairement l’affaire pour cause d’espionnage scandaleux des avocats de la défense).
     
    Fitzgerald a poursuivi en disant que la défense présenterait des preuves que la CIA a non seulement espionné Assange et ses avocats, mais qu’elle a activement envisagé de l’enlever ou de l’empoisonner, et que cela montrait qu’il n’y avait aucun engagement en faveur d’un véritable État de droit dans cette affaire.
     
    Fitzgerald a déclaré que l’accusation avait délibérément déformé les faits, ce qui constituait également un abus de procédure. Il n’est pas vrai qu’il existe des preuves de préjudice causé aux informateurs, et le gouvernement américain l’a confirmé à d’autres occasions, par exemple lors du procès de Chelsea Manning. Il n’y a pas eu de complot pour pirater des ordinateurs et Chelsea Manning a été acquittée de cette accusation devant la cour martiale. Enfin, il est faux que Wikileaks soit à l’origine de la publication de noms d’informateurs, car d’autres organisations de médias l’avaient déjà fait avant.
     
    Encore une fois, pour autant que je sache, si l’allégation américaine de préjudice aux informateurs a été largement diffusée, la réfutation totale de la défense sur les faits et l’affirmation selon laquelle la fabrication de faits équivaut à un abus de procédure n’ont pas du tout été rapportées.
     
    Fitzgerald a enfin évoqué les conditions de détention aux États-Unis, l’impossibilité d’un procès équitable aux États-Unis et le fait que l’administration Trump a déclaré que les ressortissants étrangers ne bénéficieront pas des protections du premier amendement, comme autant de raisons pour lesquelles l’extradition doit être refusée. Vous pouvez lire toute la déclaration de la défense ci-dessous, mais à mon avis, le passage le plus fort a porté sur les raisons pour lesquelles il s’agit d’un procès politique, ce qui interdit l’extradition.
    Aux fins de l’article 81(a), je dois ensuite aborder la question de savoir comment cette poursuite à motivation politique satisfait au critère d’être dirigée contre Julian Assange à cause de ses opinions politiques. L’essence de ses opinions politiques qui ont provoqué ces poursuites sont résumées dans les rapports du professeur Feldstein [pièce 18], du professeur Rogers [pièce 40], du professeur Noam Chomsky [pièce 39] et le professeur Kopelman :
    i. Il est l’un des principaux partisans d’une société ouverte et de la liberté d’expression.
    ii. Il est anti-guerre et anti-impérialiste.
    iii. Il est un champion de renommée mondiale de la transparence politique et du droit du public à l’information sur des questions importantes - des questions telles que la corruption politique, les crimes de guerre, la torture et les mauvais traitements des détenus à Guantanamo.
     
    5.4 Ces croyances et ces actions le mettent inévitablement en conflit avec des États puissants, y compris l’actuelle administration américaine, pour des raisons politiques. Ce qui explique pourquoi il a été dénoncé comme terroriste et pourquoi le président Trump a, par le passé, réclamé la peine de mort.
     
    5.5 Mais je dois ajouter que ses révélations sont loin de se limiter aux méfaits des États-Unis. Il a dénoncé la surveillance exercée par la Russie et a publié des articles sur M. Assad en Syrie ; et on dit que les révélations de WikiLeaks sur la corruption en Tunisie et la torture en Égypte ont été le catalyseur du printemps arabe lui-même.
     
    5.6 Les États-Unis affirment qu’il n’est pas journaliste. Mais vous trouverez un compte-rendu complet de son travail dans le dossier M. Il est membre du syndicat des journalistes australiens depuis 2009, il est membre de la NUJ et de la Fédération européenne de journalistes. Il a remporté de nombreux prix dans le domaine des médias, notamment la plus haute distinction pour les journalistes australiens. Son travail a été reconnu par The Économiste, Amnesty International et le Conseil de l’Europe. Il est le lauréat du prix Martha Gelhorn et a été nominé à plusieurs reprises pour le prix Nobel Prix de la paix, y compris l’année dernière et cette année. Vous pouvez voir qu’il a écrit des livres, des articles et des documentaires. Il a eu des articles publiés dans le Guardian, le New York Times, le Washington Post et le New Statesman, pour n’en citer que quelques-uns. Certaines des publications pour lesquelles l’extradition est demandée ont été évoquées et invoquées dans les tribunaux du monde entier, y compris la Cour Suprême du Royaume-Uni et la Cour européenne des droits de l’homme. En bref, il a défendu la cause de la transparence et la liberté d’information dans le monde entier.
     
    5.7. Le professeur Noam Chomsky s’exprime ainsi : - "en soutenant courageusement des opinions politiques que la plupart des personnes déclarent partager, il a rendu un énorme service à tous ceux qui, dans le monde, chérissent les valeurs de la liberté et la démocratie et qui réclament donc le droit de savoir ce que font leurs représentants élus" [voir onglet 39, paragraphe 14].
     
    L’impact positif de Julian Assange sur le monde est donc indéniable. L’hostilité qu’il a provoqué de la part de l’administration Trump est tout aussi indéniable.Le test juridique pour les « opinions politiques »
    5.8. Je suis sûr que vous connaissez les standards en la matière, à savoir si une demande est faite en raison des opinions politiques de l’accusé. Une approche large doit être adoptée lors de l’application du test. Pour ce faire, nous nous appuyons sur l’affaire Re Asliturk [2002] EWHC 2326 (autorités chargées des abus, onglet 11, paragraphes 25 - 26) qui établit clairement qu’une approche aussi large devrait être appliquée au concept d’opinions politiques. Et cela couvrira clairement les positions idéologiques d’Assange. En outre, nous nous appuyons également sur des cas tels que Emilia Gomez contre SSHD [2000] INLR 549, onglet 43 du dossier infraction politique des autorités. Celles-ci montrent que la notion d’"opinions politiques" s’étend aux opinions politiques imputées au citoyen par l’État qui le poursuit. C’est pourquoi la caractérisation de Julian Assange et WikiLeaks en tant qu’"agence de renseignement hostile non étatique" par M. Pompeo établit clairement qu’il a été ciblé pour ses opinions politiques. Tous les les experts dont vous avez les rapports montrent que Julian Assange a été pris pour cible en raison de la position politique qui lui a été attribuée par l’administration Trump - comme un ennemi de l’Amérique qui doit tomber.
    Demain, la défense poursuivra. Je ne sais vraiment pas ce qui va se passer car je me sens pour l’instant bien trop épuisé pour être présent dès 6 heures du matin et faire la queue pour entrer. Mais j’espère que d’une manière ou d’une autre, j’arriverai à rédiger un autre rapport demain soir.
     
    Je remercie vivement ceux qui ont fait des dons ou qui se sont inscrits pour rendre ce rapport possible.
     
    Cet article est entièrement libre de reproduction et de publication, y compris en traduction, et j’espère vivement que les gens le feront activement. La vérité nous rendra libres.
     
    Craig Murray
     
    Traduction "avec plaisir, M. Murray" par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles
    »» https://www.craigmurray.org.uk/archives/2020/02/your-man-in-the-public...
     
    URL de cet article 35720
     
     
    https://www.legrandsoir.info/compte-rendu-du-proces-assange-1er-jour.html

    1 commentaire
  • Assange, c'est l'homme qui a rendu au monde sa fierté.

     

    Pour les risques qu'il a pris, pour les publications qu'il a réussies malgré l'opposition de l'Empire du Mal, pour tout cela et le retour de l'humanité au premier plan alors que les Prêtres de l'Argent avaient presque réussi à rendre celui-ci incontournable et synonyme de POUVOIR, je propose qu'on lui donne un nouveau prix.

    Le Nobel étant désormais un hochet donné aux pires, il ne reste plus qu'à trouver une autre figure  pour étendre sa tutelle sur une distinction prestigieuse.

     

    Julian Assange pour le premier Prix GANDHI !

    Donnons-lui le Prix GANDHI. A sa suite, sans doute en viendra-t-il d'autres tout aussi méritants, sous d'autres formes et pour d'autres causes défendues.Et que la Paix, celle des humbles, celle des Mamans, vienne remplacer cette volonté de plier le monde entier sous la rapacité de POUVOIR de quelques ordures.


    votre commentaire
  • Non, Julian Assange ne doit pas être extradé : de la part du gouvernement britannique, ce serait une complicité de meurtre (oh, je sais bien, ils n'en sont pas à une victime près) sur une personne qui, connaissant les risques, a contribué à sauver le monde.

    Il ya déjà deux gouvernements complices : celui d'Australie (son pays tout de même, où les autorités n'ont pas levé le petit doigt pour lui), et celui d'Équateur qui a invité la police spéciale britannique à venir se servir.

    NON, il ne doit pas être extradé

     

    Oui, il risque d'être abattu comme un chien enragé, parce qu'il a eu le courage de publier les turpitudes de Washington. Il faut dire aussi que ce lieu infernal est un assassin à très grande échelle (par centaines de milliers, voire plus). L'ennemi du genre humain, tout simplement.

    J'ai signé la pétition, la signerez-vous à votre tour ?

    https://internal.diem25.org/fr/petitions/1


    votre commentaire
  • Fallait-il donc, en plus de lui infliger une peine de prison incompatible avec un retour en liberté avant sa mort, salir le lanceur d'alerte Bradley Manning ? On notera que la qualité de son travail et de ses analyses le rendait en fait indispensable à la NSA, ce qui n'est pas très cohérent avec les accusations....

    Fort Meade (Etats-Unis) (AFP) - La taupe de WikiLeaks Bradley Manning souffrait d'un "déséquilibre mental" lié à son identité sexuelle et provoquant des épisodes colériques, mais jamais son habilitation secret-défense ne lui a été retirée, a affirmé mardi à la juge son superviseur direct.
     
    Lors d'une audience sur la base de Fort Meade, au nord de Washington, destinée à déterminer la peine de prison que devra purger le jeune homme condamné pour des faits d'espionnage, le sergent première classe Paul Adkins a raconté comment il avait retrouvé un jour en Irak le jeune analyste de renseignement recroquevillé en position foetale sur le sol, un couteau à ses pieds.

    Si Bradley Manning a jugé nécessaire de faire connaître tant de faits, c'est bien parce que les agissements du gouvernement étaient si pervers qu'il fallait en avertir les citoyens. Et ceci, quelles qu'en fussent les conséquences pour le lanceur d'alerte. C'est ainsi qu'a été alimenté Wikileaks, avec un succès mitigé tant le couvercle a été vissé par les médias contactés par celui-ci à des fins de publication.

    Les agissements des politiciens dans le monde, États-Unis en tête, sont devenus si atroces que ne pas les dénoncer si l'on en a la possibilité se résume tout simplement à une vraie complicité. Il y a eu Abou Ghraïb, il y a toujours Guantanamo, il y a eu ces transferts de prisonniers au cours de vols secrets au-dessus de l'Europe avec la complicité des autorités locales, et probablement il y a bien d'autres choses dont la teneur n'a toujours pas été découverte et dénoncée.

    Désormais, le statut du lanceur d'alerte se heurte à un véritable mur de la peur, peur par "les Autorités" de voir dévoilées leurs turpitudes, leurs dérives, leurs crimes. Car il semble bien qu'avec le temps, ces manœuvres sont de plus en plus employées au point d'être plus courantes, peut-être parce que plus efficaces que de vraies guerres, moins coûteuses pour ceux qui les lancent en financement, en matériel, et accessoirement en humains.

    Joseph MacCarthy
    Avec moins de retentissement (pour le moment), ne s'agit-il pas d'une campagne assez similaire dans sa violence au maccarthysme des années 50 ?  A l'époque furent ainsi exécutés les époux Rosenberg pour espionnage. D'ailleurs assez symptomatiquement, le maccarthysme  s'en prenait avec application aux homosexuels considérés au moins comme de mauvais citoyens. Ce genre d'accusation ressurgit ici, plus feutrée.

    Ne nous leurrons pas : cela existe aux États-Unis, mais cela existe aussi en France, à ceci près que les accusations à caractère sexuel n'émanent que de groupes plutôt maigres et loin du Pouvoir.  C'est plutôt du côté du nucléaire, sujet tabou s'il en est, que se lèvent ceux qui ont quelque chose à dénoncer, et que les autorités réagissent avec nervosité (repenser aux actions de Greenpeace, dénonçant la sécurité déficiente des centrales), mais aussi du côté de produits pharmaceutiques dangereux (Irène Frachon et le Médiator), ou encore de celui de l'abus de sel dans les aliments tout prêts (Pierre Menneton par exemple).

    Actuellement, le sujet le plus dangereux, parce que impliquant la planète entière sur des milliers d'années potentielles, est le nucléaire civil ou militaire (le risque est le même). Encore ce matin, des révélations nous parviennent concernant des faits non encore évoqués concernant le réacteur 4 de Fukushima, et en particulier une certaine piscine technique pour combustibles neufs qui serait contaminée elle aussi. Il est peu probable que les grands médias s'en emparent.

    Lanceurs d'alerte : plus vous risquerez de représailles à vos actions, et ce malgré des dispositions judiciaires et légales pour tenter de vous protéger, plus ces actions seront nécessaires. Hommage à Edward Snowden, à Julian Assange et surtout à Bradley Manning.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique