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La ballade des pauvres gens
Vous qui êtes nantis, pensez à la misère.
Par ce temps rigoureux, pensez aux pauvres hères
Qui, retrouvant le sort de leurs lointains ancêtres,
Vivent sur le pavé sans la raison d'y être.
C'est pourquoi aujourd'hui une action symbolique
A perturbé la vigne aux augustes barriques.
C'est pourquoi j'associe ce poème ancien, qui montre un monde où n'a rien changé, écrit par Théodore de Banville en 1866 "à la façon de Villon" dans sa pièce "Gringoire"
La Ballade des pauvres Gens
Rois, qui serez jugés à votre tour,
Songez à ceux qui n’ ont ni sou ni maille ;
Ayez pitié du peuple tout amour,
Bon pour fouiller le sol, bon pour la taille
E la charrue, et bon pour la bataille.
Les malheureux sont damnés, -c’ est ainsi !
Et leur fardeau n’ est jamais adouci.
Les moins meurtris n’ ont pas le nécessaire.
Le froid, la pluie et le soleil aussi,
Aux pauvres gens tout est peine et misère.
Le pauvre hère en son triste séjour,
Est tout pareil ses bêtes qu'on fouaille.
Vendange-t-il, a-t-il chauffé le jour
Pour un festin ou pour une épousaille,
Le seigneur vient, toujours plus endurci.
Sur son vassal, d'épouvante saisi,
Il met sa main, comme un aigle sa serre,
Et lui prend tout, en disant "Me voici !"
Aux pauvres gens tout est peine et misère.
Ayez pitié du pauvre fou de cour !
Ayez pitié du pécheur qui tressaille
Quand l'éclair fond sur lui comme un vautour,
Et de la vierge aux yeux bleus, qui travaille,
Humble et rêvant sur sa chaise de paille.
Ayez pitié des mères ! ô souci,
O deuil ! L'enfant rose et blond meurt aussi.
La mère en pleurs entre ses bras le serre,
Pour réchauffer son petit corps transi :
Aux pauvres gens tout est peine et misère.
Envoi.
Prince ! pour toi je demande merci !
Pour le manant sous le soleil noirci
Et pour la nonne égrenant son rosaire
Et pour tous ceux qui ne sont pas d'ici :
Aux pauvres gens tout est peine et misère.
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