• Tchernobyl : trente ans plus tard, un passé toujours plus d'actualité

    Le 26 avril 1986, un concours de circonstances où les erreurs humaines ont largement contribué à transformer en grande catastrophe ce qui aurait pu n'être qu'un incident, a fait sauter le réacteur 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Située tout au nord de l'Ukraine, presque à la frontière avec la Biélorussie,  cette centrale au graphite (et non à l'eau pressurisée comme en France) a couvert l'Europe entière d'un nuage de particules hautement radioactives.

    L'Europe s'est mobilisée de façon terriblement dispersée. Autant certains pays ont alerté (la Norvège la première), réagi en aidant à circonscrire la diffusion de produits contaminés (légumes, lait, champignons, plantes aromatiques), autant d'autres se sont défendus de toute mesure pour des raisons idéologiques. La France en premier, où "les élites" sont les grands-prêtres de la religion du Nucléaire, a refusé toute mesure, parce que.... eh bien parce que pour elle il ne s'est rien passé et Superdupont a repoussé le nuage juste au-delà de la frontière. La lavande de Provence et les fromages corses en savent quelque chose.

    Peut-on faire un bilan ? Il n'est pas aisé, car certaines statistiques n'ont jamais été publiées, certaines analyses non plus. Lobby du nucléaire oblige. Malgré tout on peut considérer que trois cent mille personnes au minimum sont décédées assez rapidement de contaminations externes  (pour avoir touché des zones contaminées), comme internes (par inhalation de poussière ou ingestion de fruits, légumes ou produits laitiers). Parmi ces personnes, et en première ligne, les "liquidateurs" (ils étaient un million, par roulements) furent aux premières loges pour manipuler souvent sans protection les substances dangereuses. S'y ajoutent tous les cas moins facilement associés à ce risque, et qui peuvent être très nombreux. Il faut penser aussi aux enfants qui sont nés avec des anomalies, ou aussi aux nombreuses fausses couches en raison de fœtus non viables.

    Cela n'empêche pas " les Autorités ", encore aujourd'hui, de déclarer que tout va très bien, Madame la marquise. L'École Polytechnique (dont on peut admirer l'humour à considérer le nucléaire comme une énergie durable, alors que ce sont les EFFETS qui sont durables) s'y entend, pour couvrir les traces, par la rétention d'information, par les menaces, par la révocation de trublions "indiscrets". Les différents organismes ad hoc dont les noms changent souvent - sans doute pour brouiller les pistes - ne communiquent que le moins possible de données, voire des données tronquées ou biaisées. Il est heureux que des citoyens responsables, eux, aient réussi à monter la CRIIRAD. Ce centre où les bénévoles compétents sont très motivés nous en a appris beaucoup. Précisément parce que le monde politique a tout nié en bloc, c'est sa détermination qui en a rendu la présence si utile. Sa compétence a d'ailleurs été précieuse à Fukushima : là encore les autorités nippones, très frileuses en ce qui concerne le nucléaire, en ont dit le moins possible, et se sont ingéniées à apporter des informations erronées, tronquées, manipulées.

    Pour qui veut plus de précisions, nous ne saurions passer sous silence une remarquable étude, sous forme de bande dessinée, que l'Association Française des Malades de la Thyroïde vient de publier. Elle s'appelle Tchernobyl, le nuage sans fin.

    Tchernobyl, Fukushima, et le reste. A chaque fois, le puissant lobby international du nucléaire barre le chemin au besoin de comprendre. Qui dit nucléaire, dit militaire, toujours. Toujours. Doit-on rappeler  que l'Organisation Mondiale de la Santé, à Genève, est même officiellement sous la coupe de l'Agence Internationale de l'Énergie Nucléaire, de Vienne ? (et non l'inverse) Cela en dit long. En été 2011, à la suite du désastre de jour en jour plus grave de Fukushima, le Premier Ministre Naoto Kan a limogé son très pro-nucléaire ministre de l'énergie. Presque aussitôt une motion de censure l'a renversé, et aujourd'hui c'est le très pro-nucléaire  et très autoritaire Abe qui le remplace.

    Et demain ? Désormais notre Terre tout entière est sous le risque à la fois des conséquences de ces deux catastrophes, l'une il y a trente ans aujourd'hui, l'autre cinq ans depuis le 11 mars. On n'ose même pas évoquer les autres catastrophes moins graves sans doute, mais dont insidieusement les effets s'ajoutent. Je pense en particulier "à l'incident" de Maïak de 1957, tout de même à l'échelon 6... mais dont on n'a su la nouvelle que très longtemps après. Maïak est un peu au nord de Tcheliabinsk, soit pas très loin du Kazakhstan.  Il ne reste plus qu'à espérer que cette accumulation de radiations ne compromette pas trop l'avenir de l'humanité.


  • Commentaires

    1
    Mardi 26 Avril 2016 à 09:23
    D'après des photos soit ukrainiennes , soit Russes , la végétation aurait repoussé normalement , des animaux de toutes sortes reviennent , soit la nature aurait repris ses droits ! à surveiller maintenant Fukoshima sur une île à séismes à répétition
    2
    Mardi 26 Avril 2016 à 10:40
    Certes, la nature reprend toujours ses droits : cependant à y regarder de plus près, les plantes et les animaux nouveaux-nés présentent très souvent des anomalies - et on ne voit pas sauf par hasard les fausses couches causées par des fœtus non viables. A surveiller à long terme, donc.

    Quant à Fukushima, à la différence de Tchernobyl, c'est un site qui continue jour après jour à déverser ses poisons, ce qui rend la situation bien plus grave à long terme. En particulier on assiste périodiquement à des retours de criticité des coriums, dont on ignore tout de l'état et de l'emplacement : à chaque fois ce sont donc de nouvelles émanations primaires, ce qui retarde toujours plus l'évolution vers une baisse de radioactivité. Cela peut perdurer très longtemps. Le nucléaire est un serviteur difficile, et un maître catastrophique à très long terme par rapport à des vies humaines.
    3
    Jeudi 28 Avril 2016 à 16:57
    J' ai mis un commentaire qui n'apparait pas ...pourquoi ?
    4
    Jeudi 28 Avril 2016 à 16:58
    J' ai mis un commentaire qui n'apparait pas ...pourquoi ?
    5
    Jeudi 28 Avril 2016 à 17:07
    Je me souviens de ces deux catastrophes .Villages , habitants , nature ANÉANTIS . Les téléspectateurs , me semblait il , étaient avides de ces nouvelles de morts . Un feuilleton de polars noirs à suivre , c'était cela pour la plupart ...
    Les liquidateurs allaient vers la mort ...le sachant sûrement assez vite .
    6
    Jeudi 28 Avril 2016 à 17:21
    Je me souviens de ces deux catastrophes .Villages , habitants , nature ANÉANTIS . Les téléspectateurs , me semblait il , étaient avides de ces nouvelles de morts . Un feuilleton de polars noirs à suivre , c'était cela pour la plupart ...
    Les liquidateurs allaient vers la mort ...le sachant sûrement assez vite .
    7
    Jeudi 28 Avril 2016 à 17:30
    Oui, ce fut un cauchemar. Et ce l'est toujours, en fait, pour des dizaines de milliers de personnes. Encore n'y a-t-il pas eu d'évacuation de Tokyo : elle a été envisagée, et certainement pour l'avenir de beaucoup d'enfants cela aurait été préférable : encore aujourd'hui, des contrôleurs bénévoles décèlent des endroits à Tokyo même ou sa banlieue où des poussières contaminées et très actives se sont accumulées, et sont toujours là.

    Beaucoup d'enfants ont subi des contacts en quelques heures, qui correspondent à ce qu'un travailleur du nucléaire suivi endure en une année. Pour donner des chiffres, de l'ordre de 20 mSv ou plus alors que la norme habituelle pour la population en général plafonne à 1 mSv/an !
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